Liza l'occitane en quartet

"LE PROVENÇAL, UNE LANGUE QUI TRACE DES CHEMINS DE VIE"

13/09/2023
Entre origines vikings et chant à la cantonade sur les marchés de Provence, une interview pour retracer le singulier parcours de celle qui fera swinguer les 10 ans du Cerco.

Liza l’occitane se produira en quartet au Parc des ateliers pour les 10 ans du Cerco (les réserves du Museon Arlaten), le samedi 16 septembre à 18h30. Globe-trotteuse, journaliste pour Vaqui (France 3 Méditerranée), elle marie langue provençale et chant jazz, avec un constant désir de faire « sonner » sa langue de cœur. Le concert est gratuit et sera suivi d’un buffet et d’une rencontre avec les équipes du musée. Les détails sur le concert et le son de Liza, c'est ici.

Liza
Liza. Photo Colas Declercq.
Liza. Photo Colas Declercq.
  • Vous chantez en provençal mais à lire votre parcours, on se dit que vous êtes le résultat d’une étonnante synthèse culturelle !

En effet ! Née à Aix-en-Provence, j’ai grandi dans un milieu multiculturel, avec de multiples racines… scandinaves, des racines anglaises mais aussi bien sûr des racines provençales et méditerranéennes par mon père ! Je crois que j’ai gardé du grand Nord une façon d’être, ce côté hyper chaleureux une fois la porte passée. J’ai hérité aussi de cette capacité à dire que parfois, oui, les choses vont bien ! Plus une facilité et un goût pour le travail en équipe. Mais j’ai aussi cet autre héritage, ce côté exubérant, cette façon de faire communauté... Un jour on m’a dit : « à t’entendre on dirait une anglaise, mais tu parles avec les mains ! ». Disons que ma langue maternelle, c’est l’anglais ; ma langue paternelle, le français et ma langue de cœur, le provençal !

  • Justement, comment avez-vous rencontré le provençal ?

Mes parents étaient musiciens et dans les années 70 il y a eu un grand retour aux sources avec la vogue de la musique folk. Ils se sont mis à animer des balèti, à recréer le répertoire provençal. Mon père a redécouvert ses racines et a appris cette langue que ses parents ne parlaient pas. Cette langue, il voulait la faire sonner ! Il a repris tout le répertoire provençal, niçois, languedocien, ardéchois... Et à quinze ans, avec mon frère, on chantait en provençal sur les marchés, en s’accompagnant d’instruments traditionnels. Comme une évidence ! J’ai toujours eu plus d’affinités avec ce monde-là qu’avec la chanson française.

  • Vous avez aussi beaucoup voyagé…

Oui, en Angleterre, au Maroc, en Italie, en Finlande, en Espagne, au Danemark... Et j’ai été guide dans le tourisme éducatif, une sorte d’animatrice nomade. Je faisais régulièrement chanter des cars entiers d’américains en provençal !

  • … mais vous êtes revenue vivre ici !

Oui, je suis méditerranéenne, j’aime être en Provence, j’aime accueillir des gens ici. Mais j’aime aussi quitter un peu cet ici, quand bon me semble. Et les langues me servent à communiquer avec les autres ; avec chaque langue on découvre de nouvelles façons d’exprimer des ressentis, de véhiculer des images. Le provençal est pour moi une langue extrêmement poétique, très riche quand il s’agit de chanter l’amour. C’est une langue qui chemine, qui trace des chemins de vie, avec des images qui me plaisent. L’anglais, lui, sonne autrement. Il permet une autre musicalité que je trouve très complémentaire.

"Le provençal est une langue extrêmement poétique. Le chanter sur du jazz, étonnamment, pour moi, c'est intuitif"

Patrick Cascino
Le pianiste Patrick Cascino. Photo Colas Declercq
Le pianiste Patrick Cascino. Photo Colas Declercq
  • Pourquoi avoir choisi une esthétique jazz ?

C’est venu tout naturellement. J’ai commencé le piano à quatre ans, avec Mozart et Debussy ; mais la formation que j’ai choisie, c’est le piano jazz. Mon choix s’est encore affermi avec la rencontre du Cascino Trio, qui pratique une sorte de « jazz world » qui sait très bien s’adapter. Ainsi je compose et ils font les arrangements. Chanter en provençal sur du jazz, étonnamment c’est pour moi intuitif ! Ce ne sont pas des standards, ce sont des créations, et l’on peut faire ce que l’on veut pourvu que les mélodies soient accrocheuses.

  • Vous travaillez aussi vers le jeune public. Pourquoi ?

Je crois beaucoup à la transmission, à la pédagogie. Je viens d’enchaîner trois créations à destination du jeune public et pour eux, clairement, je chante en provençal ! En plus, ça marche du feu de Dieu ! Ils comprennent d’autant plus vite qu’ils ont la langue dans l’oreille. Du coup, cela me laisse aussi la liberté, sur un autre versant, de créer comme je veux, sans penser à la langue ; mon dernier disque s’appelle « Why not » et je propose également une création en duo, corse-provençal, appelée LIAME, avec Lionel Giacomini.

  • Vous avez reçu des prix en Sardaigne et en Suède, qu’est-ce que cela vous inspire ?

A l’étranger, le provençal passe pour une langue très exotique, avec tout un imaginaire lié aux troubadours. C’est une langue aux racines profondes, vivante, que l’on considère sans a priori, que l’on écoute avec une oreille fraîche, surtout pas comme un patois qui ne serait que la langue des vieux. En Suède, nous avons fait un bœuf de 12 minutes sur une de mes chansons avec tous les artistes présents au festival. En musique, on peut communiquer, on peut entrer en résonnance. L’universalité de la musique permet d’aller au-delà des langues tout en les célébrant toutes.

Liza en quartet
Colas Declercq
Colas Declercq