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Pélerinage

PROLONGER "LUMIÈRES DES SAINTES"

Chapeau
Dans le prolongement de l'exposition "Lumières des Saintes. Un pèlerinage photographique", le Museon Arlaten vous présente un parcours original, à la découverte d'une sélection de ses collections permanentes consacrées au monde gitan.


Corps

Inclus dans le billet d'entrée du musée.
Tarif préférentiel de 5 euros pour les détenteurs d'un billet des Rencontres.

Gaston de Luppé
Gaston de Luppé, Les saintes Maries. Cd13 - Coll. Museon Arlaten© société Arkhênum
Gaston de Luppé, Les saintes Maries. Cd13 - Coll. Museon Arlaten© société Arkhênum

LE MUSEON ARLATEN ET LE MONDE GITAN

 

Le territoire d’Arles et plus largement la Camargue nourrissent un imaginaire provençal particulier.

L’histoire antique de la ville, la présence du Rhône, de son delta à la mer, l’invention des reliques des saintes Marie et l’évangélisation de la Provence sont autant de sujets qui inspirent des représentations réelles ou fantasmées de ceux qui ont façonné ce territoire.

Depuis plus d’un siècle, les « Gitans de Provence » ne laissent pas indifférents ceux qui les observent. Qu’ils soient poètes, dessinateurs, photographes ou ethnologues, les points de vues portés sur cette communauté ne sont jamais neutres et traduisent de nombreux stéréotypes, négatifs comme positifs, qu’il est intéressant d’étudier.

Bohémien
Santon de Roger Jouve, 2e moitié du 20e siècle Cd13 - Coll. Museon Arlaten© Sébastien Normand
Santon de Roger Jouve, 2e moitié du 20e siècle Cd13 - Coll. Museon Arlaten© Sébastien Normand

 

Le terme Boumian est une traduction provençale de "Bohémien", en référence au royaume de Bohême, en actuelle Tchéquie – région que ce peuple aurait traversée au 14e siècle. L’empereur Sigismond aurait alors facilité leurs déplacements dans les pays chrétiens grâce à des lettres de protection.

Au-delà, le terme Boumian renvoie plus largement à une vision stéréotypée des Gitans, désignant le va-nu pied, le nomade saltimbanque, vivant de musique et de petits larcins.

Cette représentation a été largement transmise par les crèches provençales qui offrent une vision folklorisante et passéiste de la Provence à travers la mise en scène de petits personnages, les santons, littéralement, « petits-saints », présentant la vie rurale d’un village provençal.

Au 17e siècle, les Noëls de Nicolas Saboly présentent les Boumians en petits groupes allant donner la bonne aventure à l’enfant Jésus.

Bohémienne
Santon de Roger Jouve, 2e moitié du 20e siècle Cd13 - Coll. Museon Arlaten© Sébastien Normand
Santon de Roger Jouve, 2e moitié du 20e siècle Cd13 - Coll. Museon Arlaten© Sébastien Normand

 

 

Au 18e siècle, ce sont les crèches publiques mécaniques et parlantes qui, à Marseille, mettent en scène un Bohémien accompagné d’autres personnages tels qu’un meunier, un ramoneur ou un aveugle que l’on retrouvera ensuite dans la Pastorale emblématique d’Antoine Maurel, rejouant la nativité en Provence, puis dans les crèches familiales populaires du 19e siècle.

Le Bohémien est tantôt représenté avec le reste de sa famille comme un saltimbanque, montreur d’ours, de singes ou bien encore musicien, tantôt représenté avec un poignard, une cape et un chapeau, il est assimilé au brigand, au bandit des grands chemins.

La Bohémienne est souvent une mère de famille, représentée avec un enfant, ou bien une fière danseuse, avec foulard et tambourin. On l’imagine alors saltimbanque ou diseuse de bonne-aventure.

 

Les "faces de Bohème" de Frédéric Mistral

Mistral
Portrait de Frédéric Mistral par Nadar, 1892. Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Graphistes associés
Portrait de Frédéric Mistral par Nadar, 1892. Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Graphistes associés

Dans son œuvre autobiographique, Frédéric Mistral décrit sa rencontre fortuite avec trois Bohémiens qualifiés de voleurs, qui se révèlent finalement sympathiques et culturellement proches de lui, malgré sa frayeur initiale.

"Il faut croire qu’à la longue la fumée finit par me suffoquer ; je sursaute soudain et je jette un cri d’effroi… oh ! Quand je ne suis pas mort, mort d’épouvante, là, je ne mourrai jamais plus ! Figurez-vous trois faces de Bohème qui tous les trois à la fois, se retournèrent vers moi, avec des yeux, des yeux terribles…

Ne me tuez pas ! ne me tuez pas ! leur criai-je, ne me tuez pas !

Lors, les trois Bohémiens, qui avaient eu, bien sûr, autant de peur que moi, se prirent à rire et l’un d’eux me dit :

C’est égal ! tu peux te vanter, mauvais petit moutard, de nous avoir fichu une belle venette [peur] ! Mais, quand je les vis rire et parler comme moi, je repris un peu courage, et je sentis, en même temps extrêmement agréable, une odeur de rôti me monter dans les narines. Ils me firent descendre de mon perchoir, me demandèrent d’où j’étais, de qui j’étais, comment je me trouvais là, que sais-je encore ? et rassuré, enfin complètement, un des voleurs (c’étaient, en effet, trois voleurs) :  Puisque tu as fait un plantié [fuge], me dit-il, tu dois avoir faim… tiens, mords-là." 

(Mes origines, mémoires et récits, 1906)

 

Léo Lelée : des Bohémiens dans l'imagerie provençale

Formé à l’École Nationale des Arts Décoratifs, puis l’école des Beaux-Arts, Léopold Lelée s’installe à Arles en 1902, où il tombe sous le charme de « l’architecture nette des collines des Alpilles et de la lumière argentée qui baigne le paysage. »

Très tôt, Frédéric Mistral décèle en ce jeune peintre influencé par l’Art Nouveau l’occasion de voir émerger une école artistique provençale ; il lui propose d’associer leurs talents pour relancer localement la mode de l’imagerie populaire : il en résulte des compositions mêlant dessins de Léo Lelée et écrits de la main de Frédéric Mistral ou plus tard, Fernand Benoît.

Léo Lelée ouvre une boutique à proximité de l’amphithéâtre romain, A l’image Prouvençau.
Il y vend toutes sortes de souvenirs : déclinées sous la forme de tableaux, d’estampes et de cartes postales, ces images teintées d’un fort réalisme s’apparentent à des prises de vues photographiques.

Parmi cette série, qui s’attache à décrire la vie quotidienne des Provençaux, figure déjà le pèlerinage gitan des Saintes-Maries-de-la-Mer – sujet qui trouve vraisemblablement un intérêt auprès des touristes de passage. Sa descente des châsses retranscrit avec précision la ferveur religieuse de l’assistance, alors que ses portraits de Bohémiens, figés dans un instant précis, hors de tout contexte, donnent à voir une image épurée, simplifiée, qui contribue à inscrire les sujets gitans dans une vision stéréotypée.

Lelée 1
Léo Lelée, L’enfant à la béquille, Cd13 - Coll. Museon Arlaten, numérisation Graphistes associés
Léo Lelée, L’enfant à la béquille, Cd13 - Coll. Museon Arlaten, numérisation Graphistes associés
Lelée 2
Léo Lelée, Au pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand
Léo Lelée, Au pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand
Lelée 3
Léo Lelée, La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand
Léo Lelée, La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand
Lelée 4
Léo Lelée, La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten
Léo Lelée, La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten
Lelée 5
Léo Lelée, dessin préparatoire pour La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby
Léo Lelée, dessin préparatoire pour La descente des châsses, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby
Lelée 6
Léo Lelée, Portrait de Bohémienne à l'enfant, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand
Léo Lelée, Portrait de Bohémienne à l'enfant, Cd13 - Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand

 

Le pèlerinage en 1903, photographié par Jean-Paul Anastay

Membre de la Société de Photographie de Marseille, Jean-Paul Anastay réalise, entre 1898 et 1914, de nombreux reportages dans toute la Provence.

En 1903, il se rend au pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, dont il revient avec une quinzaine de tirages, aujourd’hui conservés au Museon Arlaten.

Son approche distanciée des « Bohémiens », qui semblent pris sur le vif dans leurs activités quotidiennes, prolonge le regard d’artistes tels que Léo Lelée, qui figent durablement l’imagerie romantique d’un peuple nomade, autant exotique qu’insaisissable.

Anastay 1
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémiens (25 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten, numérisation Copeia Arles
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémiens (25 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten, numérisation Copeia Arles
Anastay 2
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémien (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémien (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten
Anastay 3
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémiens (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Copeia Arles)
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémiens (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Copeia Arles)
Anastay 4
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémienne (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Copeia Arles)
Jean-Paul Anastay, Aux Saintes-Maries. Bohémienne (24 mai 1903). Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Copeia Arles)

 

Les "descendants de l'Atlantide" selon Folco de Baroncelli (1938)

Baroncelli
Folco de Baroncelli, début du 20e siècle, collections Museon (numérisation Société Arkhênum)
Folco de Baroncelli, début du 20e siècle, collections Museon (numérisation Société Arkhênum)

 

Il faut attendre le début du 20e siècle pour que l’image de la Camargue et des Gitans évolue, par l'intercession du marquis Folco de BaroncelliEn 1935, il officialise la procession de Sara à la mer, permettant une reconnaissance religieuse et sociale des populations gitanes dans le département et au-delà.

Dans la plupart de ses écrits, il donne une description romantique de ces "fiers nomades" :

"Le Gitan fuit devant l’envahisseur ; il se réfugie parmi les lagunes et les marais malsains, impraticables, inhabitables pour tout autre que lui l’autochtone. Il y élève ses temples dans lesquels il adore le Feu et le Soleil (comme le Peau-Rouge, comme l’Egyptien)." ("Les Bohémiens et les Saintes-Maries-de la Mer", in La Revue d’Arles, n°3, mai 1941).

Au-delà, il leur invente une filiation avec la mythique Atlantide, ainsi qu'il le confie au journaliste Jean Clère en 1938, sur une bande magnétique conservée dans les fonds d'archives du Museon...

"Ces Gitans représentent la plus ancienne race civilisée de l'Europe"
Interview de Folco de Baroncelli, félibre et manadier, par le journaliste Jean Clère, 1938. Bande magnétique Kodak, fonds d’archives du Museon Arlaten (numérisation Copeia, Arles)

 

L'internement des nomades sous Vichy

Berthe Renard
Berthe Renard, photographiée par Mathieu Pernot, Davézieux, 1999. Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Arkhênum)
Berthe Renard, photographiée par Mathieu Pernot, Davézieux, 1999. Cd13 - Coll. Museon Arlaten (numérisation Arkhênum)

 

 

 

En 1999, le photographe Mathieu Pernot entreprend un travail sur la mémoire du camp de Saliers, centre d’internement en Camargue dans lequel 668 "nomades" sont emprisonnés entre 1942 et 1944, dans des conditions effroyables.

A partir de documents historiques et des carnets anthropométriques conservés aux Archives Départementales des Bouches-du-Rhône, il mène une enquête sur l’ensemble du territoire français pour retrouver d’anciens internés et collecter leurs témoignages.

Son travail, associant portraits photographiques, documentation d’archives et entretiens oraux, est aujourd’hui conservé dans les collections du Museon Arlaten.

Un camp d'internement pour nomades en Camargue

 

Le pèlerinage gitan au 21e siècle

En 2010, le Museon Arlaten entreprend une enquête ethnographique consacrée à la communauté des Gitans d’Arles : la famille, le mariage, le rapport à la scolarité et au monde des gadjés, la religion... sont autant de points d’entrée pour ce terrain inédit.

Temps fort de la vie du groupe, le pèlerinage des 24 et 25 mai constitue un espace d’observation privilégié pour qui s’intéresse à l’histoire de cette communauté. Entre 2011 et 2015, ethnologues et vidéastes du musée ont ainsi pu saisir les phénomènes de permanence et d’évolution propres à cet évènement. Si aujourd’hui, la grande majorité des Gitans d’Arles sont convertis à la foi évangélique, ils continuent à se rendre tous les ans au rassemblement des Saintes-Maries-de-la-Mer, haut lieu d’échanges, de festivités et de retrouvailles familiales.

Ce terrain a également été l’occasion de faire la connaissance de la famille des Baptiste qui, depuis plusieurs générations – et la figure légendaire de « Coucou » –, assument la charge honorifique de « porter les Saintes ». Une rencontre qui a donné lieu à une collecte inédite de témoignages et d’objets emblématiques, dont une aube de Porteur prêtée au musée pour une période de deux ans, que le public peut découvrir dans la dernière séquence du parcours permanent.

Paroles de porteurs
Revêtir le costume de Porteur
Retrouvailles